Nous allons nous pencher sur la vie pendant la guerre 40-45.
Notre témoin d’aujourd’hui est Gisèle Renders qui connaît le village comme sa poche et qui en sait beaucoup d’anecdotes.
Gisèle est née en 1937, elle a donc 3 ans au début de la guerre.
Elle répond ainsi aux cinq questions posées.
Se loger
Gisèle habite avec sa mère et sa sœur au n° 59 de la rue du Château. Son père est prisonnier de guerre en Allemagne. Les relations de voisinage sont très chaleureuses avec une voisine âgée qui lui tient lieu de Bonne-Maman et qu’elle appelle affectueusement Bobonne.
Les meilleurs souvenirs que Gisèle a gardés de cette époque sont ceux de Bobonne, de sa sagesse et de tout ce temps qu’elle consacrait à sa sœur et à elle-même.
Mobilité
A cette époque, tous les déplacements dans le village se font à pied. Dès l’âge de 6-7 ans, chaque matin, avant l’école, Gisèle doit aller chercher du lait à la ferme de La Baillerie. La route n’est bien sûr pas encore asphaltée, elle est recouverte de pavés « tête de moine », des pavés de blanc de marne, assez irréguliers, qui rendent la marche inconfortable.
De retour à la maison, Gisèle part à l’école par le sentier qui traverse l’actuel RAVeL et rejoint la grand-route jusqu’à l’école communale. En été, elle fait le trajet deux fois par jour car elle rentre dîner à la maison. Elle fera ce même trajet pendant 7 ans, en sécurité, car les autos sont très rares ; la piste cyclable, elle, a été réalisée juste avant 1940.
A l’école
Les instituteurs se nomment Madame Masquelain, Monsieur Hauchart et Monsieur Deltour. Gisèle se souvient de Madame Masquelain comme d’une institutrice sévère mais juste. Une anecdote lui a laissé un souvenir qui la choque encore et on la comprend : à midi, les élèves reçoivent un bol de soupe. Jacques Verloot renverse malencontreusement son bol. Croyant que Gisèle est responsable de cet accident, Madame Masquelain la punit en l’obligeant à lécher la soupe sur la table.
Elle garde aussi en mémoire la vilaine brûlure causée par la buse du poêle à charbon sur laquelle Joseph Lemmens l’avait poussée.
Elle se rappelle Monsieur Hauchart – un très bon enseignant, nous dit-elle – et les promenades qu’il organisait dans le village pour de vivantes leçons d’histoire et de géographie locales. Plus tard – et Gisèle en garde le souvenir très vif – c’est Monsieur Deltour qui assurera cette transmission des connaissances, en lien avec le village.
Quel souvenir aussi, l’accordéon de Monsieur Deltour ! Plus tard, pour aller à l’école secondaire à Court-Saint-Étienne, Gisèle se déplacera à vélo.
Après la guerre, son père travaillant aux Usines Henricot, prendra d’abord le train à l’arrêt de Basse-Laloux et, à partir de 1953, il prendra le bus.
Les neveux de leurs voisines venaient de Bruxelles au moins une fois par mois. Ils arrivaient en tram et descendaient à la gare de Maransart d’où ils venaient à pied par le pavillon de Bal et le fond du Sclage. Ils rentraient à Bruxelles par le même trajet mais chargés de provisions pour la semaine.
Les achats
La plupart des achats se font dans le village sachant qu’un grand potager et un verger fournissent les légumes, les pommes de terre pour la réserve d’hiver et des fruits. La viande est achetée à la boucherie en face de l’église; pour les achats alimentaires comme le café, l’huile, etc., les villageois se rendent chez Coop, un magasin qui se trouvait à l’emplacement de l’actuel café O’Pélerins. Le pain s’achète chez le boulanger Stuykens-Léonard, les articles de mercerie, chez le tailleur (vitrine à côté de l’école Sainte-Marie) et la petite quincaillerie, chez Mambourg, juste en face de l’église. Pour d’autres achats, on se déplace à Genappe.
Gisèle se souvient aussi de son voisin qui tenait près de chez elle le magasin Lido, un commerçant courageux qui livrait ses légumes en brouette pour utiliser ensuite une charrette tirée par un cheval et enfin une camionnette.
Les bons moments
Rentrée de l’école, Gisèle dépose son cartable sur les marches de la maison et se dépêche d’aller se faire « gâter » et cajoler par sa Bobonne, doux souvenir s’il en est. Gisèle réalise qu’elle a été très protégée par sa mère et par sa Bobonne car, en cette période de guerre, elles ne lui parlent jamais des mauvaises nouvelles ; les sujets abordés sont ceux du quotidien.
Plus tard, à l’âge de 12-14 ans, Gisèle connaîtra de bons moments en organisant des promenades pour les trois filles Balon (Françoise, Nicole et Bernadette) soit vers la sablonnière rue de la Croix, soit vers le Ry d’Hez. A cette époque, on se promène dans son environnement proche et le sentiment de sécurité est quasi total tant la circulation est faible et la criminalité absente.
Les mauvais moments
Gisèle se remémore la panique due aux bombardements. A l’école, deux sirènes différentes « grinçaient » ; c’est par ce mot que Gisèle exprime l’effet produit sur elle par un son qui signalait l’imminence d’un danger mortel. L’une des sirènes annonçait un bombardement très rapproché et on se plaquait au sol en-dessous des bancs ; lorsque c’était l’autre sirène qui donnait l’alerte, on savait qu’on avait plus de temps, on remontait le sentier vers la ferme Vermeiren pour aller jusqu’à la route derrière le cimetière et se coucher à plat ventre dans les fossés (à gauche, les filles et à droite, les garçons). Durant la nuit, aux premiers bourdonnements, toute la famille se réfugiait dans un abri-cave sous la maison ; elle y accueillait aussi des voisins, Elie et Laure Libotte et leurs trois enfants, dont un bébé de deux mois, et Jules et Yvonne Degraux et leur fille Andrée ; Yvonne fut garde-barrière du passage à niveau de Bousval.
Le bombardement de la gare d’Ottignies en juin 1944 est le souvenir le plus terrible évoqué par Gisèle. La famille s’était réfugiée dans des tranchées creusées en zigzag dans le jardin. Il faisait clair comme en plein jour à cause des explosions. Probablement en réaction à la terreur ressentie, Gisèle fit une réaction violente, elle eut un accès de faiblesse et elle souffrit d’une furonculose (42 furoncles !) sur le bas du corps. Le docteur Dethier, le seul médecin du village, lui administra la première piqûre de pénicilline donnée à Bousval.
Source : P. Olbrechts et M. R. Petitjean – Le Bousvalien 05/2015